Avec Needa Sheikh on avait raté le concert de Mahmoud Ahmed quelques mois plus tôt à Paris. Sur un coup de tête il a deux places pour ce concert à Massy, même si c’est très loin là-bas, dans la banlieue sud et qu’il va falloir prendre la voiture.
Coup de flip en arrivant dans la salle quand on s’aperçoit qu’elle est toute petite et pleine à craquer alors qu’on à glander dans le hall en mangeant des crêpes pendant une demis heure. Heureusement on se trouve deux sièges bien placés.
Les billets annonçaient Éthiopiques avec Mahmoud Ahmed et Alèmayèhu Eshèté. Éthiopiques c’est le Badume’s Band, un collectif monté après, et en hommage aux rééditions d’albums mythiques d’éthio-jazz des années 60 aux années 2000 sorties chez Buda Musique à partir de 1998 (23 volumes a ce jour). C’est donc un tribute-band de français, (de bretons !!!), à ce genre musical. Ils ont leur propre chanteur, Eric.
C’est lui qui entame les festivités, un blanc, roux, avec un look de prof de fac : Pantalon marron, veste à manches trop longues et collier de barbe… et ça marche. Je suis pas du tout spécialiste en amharique, mais ça n’a pas l’air de sonner faux.
Après 2/3 morceaux (c’est-a-dire 25 minutes… Les morceaux d’éthio-jazz sont souvent très longs, étirés au maximum jusqu’à atteindre un point de rupture, et même alors, ça continue, on reprend la ligne mélodique et on prolonge la transe dans un second souffle)… Après deux ou trois morceaux donc Eric laisse sa place à Alèmayèhu Eshèté. Applaudissements nourris du public. Et là, grosse frayeur dans la salle, on n’entend pas du tout la voix. On est frustrés car il joue son tube « Addis Abeba Behete ». A la fin du morceau, on lui change son micro. Ouf, ça fonctionne mieux. Sa voix est puissante, haut perchée, elle ressemble un peut a celle des crooneurs égyptiens. En le voyant bouger, je me dis qu’il fait penser à un Little Richard ! Ils ont a peut prés le même âge.
Après quelques morceaux il laisse humblement et respectueusement la place à Mahmoud Ahmed. Tonnerre d’applaudissements. Les musiciens sont toujours les mêmes. Eux, ils restent, les chanteurs changent. Il y a 3 cuivres, guitare, batterie, percus, basse, claviers.
Mahmoud Ahmed fait beaucoup plus vieux qu’Alèmayèhu Eshèté. Il est habillé tout en blanc, dans une tenue qui rappel une tenue traditionnelle. Quelques motifs vert-rouge-or pour rappeler les couleurs de l’Éthiopie sur son épaule droite.
Sa voix est magnifique, envoutante. Même si on l’entend dérailler sur les premiers morceaux. Pas de quoi bouder son plaisir d’écouter un maître chanter cependant.
Les premières chansons sont très mélancoliques (« Ere Mela Mela »), on devine grâce aux gestes qu’il fait qu’il chante la mémoire, le départ et l’amour perdu (il se touche le front, le cœur à deux mains et tend le bras comme pour retenir tendrement un proche qui s’en vas). Plus le concert avance, plus la mélancolie fait place à de la joie et à la fête. Et Mahmoud Ahmed nous la fait sacrément partager !
La diaspora Ethiopienne se presse pour danser devant la scène, à droite. Pratiquement toutes les femmes sont habillées de rouge. A gauche, des femmes d’un âge respectable envoient des œillades appuyées à Alèmayèhu Eshèté qui est revenu pour chanter avec son compatriote, sa chemise est déboutonnée jusqu’au milieu de la poitrine.
Devant moi 5 jeunes femmes très banlieue sud : robe à fleures, petit nœud en soie dans les cheveux, tapent dans leurs mains et ondulent des épaules en imitant Mahmoud Ahmed. Une vague d’énergie musicale et festive traverse la salle et rebondie entre la scène et le public.
Eric reviens accompagner Mahmoud Ahmed et Alèmayèhu Eshèté. Il a l’air très impressionné, il est plein de respect pour les maîtres avec lesquels il partage la scène.
Déluge d’applaudissements, pour les rappels, personne de souhaite déjà quitter la si agréable chaleur de la transe provoquée par la musique. C’est un grand moment de bonheur partagé. Tous les musiciens reviennent sur scène, la salle reste debout pour onduler en rythme sur les mélodies entêtantes.
Quand les lumières se rallument, on reste longtemps debout à applaudir en espérant qu’ils reviennent. Musique d’ambiance. Un technicien sur scène les bras levés en croix. C’est fini. Bousculade vers la sortie. Arrêt au stand merchandising…
Mais ! Ces pulsations, cette mélodie ? On cour de nouveau dans la salle… Ils sont tous de nouveau sur scène… Quelle ambiance magique ! Quelle générosité. Le public est super réceptif. Ils réinterprètent « Addis Abeba Behete », hymne à la capitale Ethiopienne, qui avait été jouée plus tôt…
C’est le cœur gonflé de ce sentiment entre joie et nostalgie inspiré par la musique du Badume’s Band, Alèmayèhu Eshèté et Mahmoud Ahmed que nous traversons paris, en voiture, la nuit.