"Je suis un des seuls trentenaires à rapper comme un adulte" dit Rocé sur son dernier CD.
C'est un constat que je partage. Le paysage du rap français n'est pas bien excitant. Entre les daubes variet' pour la FM, provocations puériles, sexistes, conventionnelles qui semblent êtres rédigées par des collégiens de cinquièmes et les pleurnicheries de Diam's qui souffre tellement de sa notoriété.
Alors pour une fois qu'un rappeur me fait kiffer, j'en parle!
J'avais eu la chance de gagner l'album précédant de Rocé en envoyant un e-mail à France Inter. Ça avait été un coup de foudre. Il était sortis sur le label "No Format" qui sort de superbes albums originaux de world, jazz, musiques improvisées... les 3 ensembles. L'album m'avait incité à pas mal de temps de réflexion, notamment les chansons "Je Chante la France" et "Métèque". Il m'avait fallut plusieurs écoutes pour saisir vraiment les textes car le flow de Rocé est efficace. Je n'arrivais pas à suivre ET réfléchir en même temps. La musique assez free jazz (Archi Shepp est invité sur l'album) m'avaient bien aidés à entrer dans le disque : j'étais assez réfractaire au hip-hop à l'époque. L'album qui commençais a bien buzzer a eu la malchance de sortir quelques mois avant les CD de Grand Corp Malade et Abd Al Malik... Ils étaient assez proches musicalement, mais les rappeurs bien plus policés.
Le nouveau CD de Rocé sonne bien plus hip-hop que le précédant, mais je me suis éduqué entre temps.
Pour ce showcase d'une demi-heure en plein milieu de la fnac des Halles, entre le rayon hard rock et le rayon éléctro, Rocé est accompagné de DJ Karz aux platines et de Sil Matadin (ex Urban Dance Squad!!!) à la basse. Une bonne combinaison pour un concert-commando comme celui-ci: le DJ pose les rythmes, et les mélodies agrémentées de breaks et scratchs nécessaires au style, tandis que la basse, puissante, fait groover le tout. Rocé fait voler les clichés en éclat : il porte un affreux pull jacquard au lieu du t-shirt de basketball qu'il faut porter pour rapper!
Le set s'ouvre sur "Carnet de voyage d'un Être sur Place", le même morceau qui ouvre l'album, les textes sont toujours aussi incisifs et précis. Rocé n'est pas Joey Starr, il n'assure pas le show, on vient surtout pour l'écouter, le public est attentif, on fait attention aux lyrics.
Il décode la métaphore "L'Être Humain et le Réverbère", nom de l'album, en intro du morceau éponyme : "C'est une pique à l'être humain. Aujourd'hui l'être humain ne se déplace pas, il regarde les deux rues qu'il connaît et il à la prétention d'éclairer, comme un réverbère. Mais il n'éclaire pas plus loin que deux rues."
Rocé à un petit coté donneur de leçon (comme sur les morceaux "Si Peut Comprennent", "Des Questions à Vos Réponses"), mais comme je me rends assez facilement à ses points de vues et qu'il assume parfaitement ses contradictions, ça ne me dérange pas trop! Pour finir le set il reprend "On S'habitue", un titre qui était sortis en 2000 sur un EP de DJ Mehdi. Le groupe est plus détendu qu'au début du set sur ce morceau, et ça se ressent dans le public qui commence à onduler et secouer la tête en rythme.