Rodolphe Burger et James "Blood" Ulmer - Hell’s Kitchen - Cabaret Sauvage - 7 septembre 2011

"Hell’s Kitchen pétarade, hurle, un gros délire musical sur fond de blues aux relents d’eau croupie du bayou.

Rodolphe Burger est beau et son public le lui dit. En face de lui James "Blood" Ulmer effleure à peine les cordes de sa guitare avec le gras du pouce."

Rodolphe Burger monte sur scène pour présenter en deux mots le groupe Hell’s Kitchen qui fait sa première partie ce soir et dont il a produit le dernier CD.

Hell’s Kitchen

Le concert de Hell's Kitchen aux Trois Baudets au printemps dernier m’avait marqué. C’est à nouveau un régal de les écouter ce soir. Ça pétarade, ça hurle, un gros délire musical sur fond de blues aux relents d’eau croupie du bayou.

Le batteur met un point d’honneur à frapper sur chaque élément du bric-à-brac entreposé à ses pieds, tuyau, cymbales, poêle a frire, pelle à charbon, tambour… de machine à laver. Le chanteur gigote et trépigne sur son siège, il se bat contre une indomptable guitare qui glisse sur ses cuisses. Il en extirpe des accords incisifs. Le blues nerveux et saturé fait penser à Chuck Berry, aux premiers disques de rock’n’roll dont tout le monde s’est inspiré. Comparé à ses deux acolytes, le contre bassiste est presque réservé. Pourtant il finira le concert dégoulinant de sueur. Comme les autres !




Rodolphe Burger et James "Blood" Ulmer


James "Blood" Ulmer et Rodolphe Burger sont accompagnés d'une sorte de dream team européenne du jazz fusion. Alberto Malo à la batterie, Marcello Giuliani à la basse, qui officie notamment aux côtés d'Erik Truffaz, Benoit Corboz, qui fait aussi partie de la garde rapprochée d’Erik Truffaz en tant que musicien et ingénieur du son, à l’orgue Hamond.

Rodolphe Burger secoue sa grande carcasse au dessus de sa guitare, en sort une musique saturée et mélodique. C’est envoûtant de voir bras et jambes s’écarter subitement du reste de son corps dans des spasmes incontrôlés. Il a failli se flanquer par terre à plusieurs reprises. Rodolphe Burger est beau et son public le lui dit.

En face de lui, James "Blood" Ulmer effleure à peine les cordes de sa guitare avec le gras du pouce. Il ne fait pas un geste qui ne soit pas nécessaire. Dans son costume de scène, mi-boubou africain, mi-costume de cowboy à franges, mi street wear, avec des bijoux et des santiags, il dégage une impression de sagesse, de sérénité. C’est le vieux bluesman New-Yorkais qui a déjà fait plusieurs fois le tour du monde. Ça, c’est pour l’image que je me fais de lui en le voyant sur scène. En vérité c’est un jazzman prolifique, collaborateur d’Ornette Coleman, il est une influence pour beaucoup de musiciens ayant goût pour l’improvisation, notamment pour Rodolphe Burger.

Le répertoire est celui de Guitar Music, l’album commun à Rodolphe Burger et James "Blood" Ulmer sorti en 2003. En venant j’espérais un peut entendre de nouvelles collaborations, mais j’ai finalement beaucoup de plaisir à revivre ces titres. Huit Couché, Unlimited Mariage, Let me Take You Home, Are You Glad To Be In America ?, la version cosmique de Play With Fire des Stones.

Et sur Take A Message To Mary, un blues que Burger traîne depuis longtemps (il avait déjà été enregistré sur le premier album de Kat Onoma), quelque chose merde du côté de James "Blood" Ulmer. Le souvenir effroyable d’un concert à Nanterre pendant lequel James "Blood" Ulmer n’arrivait pas à faire sonner sa guitare me revient en tête. Je le regarde tripoter tous les boutons de sa guitare, de son pedalboard et de son ampli sans en sortir un son. Rodolphe Burger chante tout seul le titre qui devait être un duo pendant lequel ils se répondent, un en français, l’autre en anglais. Un technicien aide James "Blood" Ulmer à retrouver du son mais sa sangle de guitare vient de péter, et le médaillon qu’il porte autour du cou se colle au micro de sa guitare provoquant des grincements insupportables. La guitare maladroitement coincée sous le bras il interprète la version anglaise de la chanson tandis que le Cabaret Sauvage pousse un soupir de soulagement. Le groupe se détend aussi et le titre finit dans une jolie impro nerveuse et expiatoire.

Pendant les rappels, les Hell’s Kitchen viennent jouer les percus sur Billy The Kid. La voix enregistrée de Jack Spicer répète inlassablement « I Love You ».

Entre James "Blood" Ulmer, Rodolphe Burger et leur public c’était bien une histoire d’amour.