Rodolphe Burger - Les Voûtes - 22 novembre 2011

"Les rythmes électros servent de support métronomique à de profondes envolées guitaristiques. Les lectures, samples littéraires d'Olivier Cadiot sont très poétiques, parfois très drôles, les extraits très courts utilisés en boucle possèdent plusieurs niveaux de lecture."



C'était le 28 juin 2002, comme le rappelle le communiqué de presse du label Dernière Bande, que j'étais venu voir Rodolphe Burger aux Voûtes. Un beau soir d'été. J'avais dû choisir entre la soirée de lancement du label de Rodolphe Burger ou un festival dans lequel jouais Noir Désir... Putain de dilemme. Je ne regrette pas d'avoir été voir Rodolphe Burger, il nous avait joué des titres inédits, les bandes des concerts de cette nuit là avaient servis au mixage de l'album Hôtel Robinson, et on s'était baffré de saucisses, patates et bières servies par Marco de Oliviera.

22 novembre 2011, Rodolphe fume un clope dans la cour quand je reviens sur les lieux. Il caille pas mal, je me réfugie dans une des caves pour regarder la fin d'un film à propos de l'ex-Kat Onoma, tourné chez lui, en Alsace. mais c'est dans une autre des voûtes que le concert va avoir lieu. On nous y assied dans des fauteuils pliants, du genre de ceux des pêcheurs du lac Daumesnil au bois de Vincennes. Avec un petit filet à l'accoudoir pour y mettre sa canette.

Ça commence sur les chapeaux de roues par un sample de moteur de voiture qui vrombit pour se muer en gazouillis d'oiseaux. En face de Rodolphe Burger, Olivier Cadiot, comme en 2002, envoie des samples littéraires. Après avoir visité ensemble le pays Welche avec le disque On est pas des indiens, c'est dommage, l'île de Batz avec l'album Hôtel Robinson, ils parcourent l'Allemagne avec ce projet, dont ils nous offrent la primeur, et dont le nom est pour l'instant Psychopharmaka. La recette est la même qu'avec les projets précédents de Burger/Cadiot : Burger aux samples et guitares, Cadiot reconstruit des textes littéraires en envoyant, à l'aide d'un sampler, les phrases du texte ou en lit des bouts. Dit comme ça, ça parait un peu chiant, intellectuel. Et c'est vrai que la musique de Burger est un peu intello, mais elle est vachement rock'n'roll aussi. Les rythmes électros servent de support métronomique à de profondes envolées guitaristiques. Les lectures, samples littéraires d'Olivier Cadiot sont très poétiques, parfois très drôles, les extraits très courts utilisés en boucle possèdent plusieurs niveaux de lecture. Le premier niveau de lecture est purement rythmique, d'autres sont moins accessibles et demandent de connaître les voix utilisées, les textes qui sont dits.

Au fur et à mesure du concert Rodolphe Burger et Olivier Cadiot sont rejoints par des comparses. Dominique Mahut aux percussions subtiles, il habille habilement les morceaux de crissements, clochettes, effleurements de tambourins en prenant soins de ne pas doubler les rythmiques électroniques déjà présentes. Julien Perraudeau, qui accompagne Burger depuis l'album No Sport, aux claviers. Et enfin Gilles Coronado à la guitare stridente et aux éclats de rires partagés avec Cadiot.

Les morceaux joués ce soir sont essentiellement de nouveaux morceaux, les samples allemands sont parfois traduits en direct par Cadiot. On a eu quelques "classiques" burgeriens, comme ce Cheval/Mouvement à nouveau retravaillé, cette fois-ci dans une version dub et dont Cadiot a traduit les paroles en allemand. Une reprise surprise de taille a failli me faire crever de rire : DaDaDa. Le genre de daube FM capable de faire foirer 50 ans d'amitié franco-allemande. Écoutez (la version de Burger &co de préférence) en entier ne serait-ce qu'une fois, ça vous restera en tête un bon mois, le temps de détester durablement tout ce qui provient d'outre Rhin (parenthèse personnelle : je souhaite m'excuser auprès de mes parents pour leur avoir fait supporter a plusieurs reprise la cassette audio qui comportait deux faces -deux fois trente minutes- de reprises de ce DaDaDa).
Je n'ai pas pu me retenir de me marrer à nouveau quand Cadiot a lancé ce sample, une voix allemande qui traduit un texte en français, ça fait "On dit qu'il y a de grandes salles en toi, qui sentent..." de grandes sales qui sentent... J'en ai pleuré de rire et c'est puéril.

Après une pause chaudement applaudie,Rodolphe Burger et Julien Perraudeau ont joué Das Lied Vom Einsamen Mädchen, un titre que chantait Nico, et que Burger interprète aussi dans le cadre de son projet autour du Velvet Underground. Là on se réconcilie avec la langue de Goethe (ou de Nietzsche, chacun ses goûts).
En final, le génial Billy the Kid, avec la voix de l'auteur Jack Spicer doublée par celle de Burger. Du moins quand son micro fonctionnait. Un incident technique qui a donné encore plus de corps à l'interprétation de ce morceau fleuve souvent joué en fin de concerts.