Otis Taylor - EMB, Sannois - 10 novembre 2012

La bande de mollusques ataviques qui lui servait de public se décolle de ses sièges pour se transformer en foule psychédélique se déhanchant au rythme des coups de pied en l'air de la violoniste.




Choix de programmation original, la première partie est un film. Un reportage sous forme de road-movie entre Chicago et New-Orleans pour remonter la route du blues. Hélas, 1) j'avais déjà vu ce reportage cet été sur France 5 2) je l'avais déjà pas trouvé super 3) le voyage s'arrête à Memphis, à la moitié du chemin.

Le groupe à peine sur scène, une longue intro musicale commence. Anne Harris, la violoniste, fait son show. Sexy, rock'n'roll, poses lascives, déhanchés, crissement de crin sur les boyaux séchés tendus à l’extrême. On est soufflés dès les premières minutes à tel point qu'on en oublie Otis Taylor, qui entre nonchalamment sur scène. Large carrure imposante, barbe, casquette de camionneur. il empoigne un banjo avec plus de détachement que n'importe quel groupe de petits anglais affectés en jeans slim.

Otis Taylor a enregistré tout un album dédié au banjo, il nous rappelle la filiation entre l'instrument et l’Afrique avec quelques titres au banjo (et c'est vrai qu'en voyant Moriba Koita jouer sur un n'goni électrifié au concert de Mamani Keïta l'autre soir au Nouveau Casino, je me faisais justement la réflexion qu'il devait y avoir une filiation entre les deux instruments).

Il se retourne et passe lentement une stratocaster d'un bleu pisseux autour du cou et s'applique avec précaution un pansement sur le haut du pouce. Et on a beau s'en faire un peu pour celui qui devrait être le maître de cérémonie, on prend vraiment notre pied pendant ces intermèdes entre les morceaux car, derrière, le groupe continue à jouer. Solos de guitare, vrombissement de basse, martèlement de batterie et mélodies irlandaises ou classiques au violon. Toute l'émotion retenue sur les disques se fait rageuse sur scène et Otis Taylor est le contrepoint de son groupe. Voix douce, jeu de guitare économique, sa lenteur exaspérante du début se fait expérience du sage au fil du concert ponctué de tours de forces.

Le premier tour de force c'est de faire se lever toute la salle et nous faire venir tout devant la scène. Notre flegme de mollusques ataviques s'était bel et bien réveillé pendant le film de la première partie et c'est à regret que nous avons déroulé nos genoux pour nous transformer en foule psychédélique se déhanchant au rythme des coups de pieds en l'air de Anne Harris sur Hey Joe.

J'ai à nouveau eu les poils, comme à chaque fois que j'écoute Rain So Hard depuis que je l'ai découverte il y a trois mois.

Puis Otis Taylor a pris son harmonica et est parti prêcher le blues dans la salle et les gradins, regardant chacun des spectateurs dans les yeux. Rien à voir avec le j'm’en-foutisme du début, Otis Taylor a un super contact avec son public, c'est juste qu'il va sur scène à son rythme, attentif à son groupe, donnant aux musiciens des instructions muettes d'un coup de tête ou d'un signe du pied. Un perfectionniste attentif, économe et bluesman surdoué.